Vous voyez Indiana Jones ? C’est comme lui que je me voyais étant enfant : toujours prêt pour la prochaine aventure, toujours prêt à apprendre un nouveau dialecte ou de nouvelles légendes pour mieux chasser les trésors de ce monde. C’était facile de voir la vie comme ça lors de nos voyage avec mon père et mon aînée, personne pour me juger ou me trouver loufoque, au contraire même. C’était autre chose quand nous allions à l’école « normale » quelques mois par ans et j’avais vite compris qu’il valait mieux ranger mes cartes et mon fouet au placard durant ces périodes. J’en profiter pour me concentrer sur le sport et pour me faire quelques contacts, apprenant peu mais restant un élève agréable bien qu’un peu trop bavard à l’occasion. 

Mon enfance, au delà de cette vie entre deux monde, est tout à fait normale. Je passe peu de temps à Ottawa où ma mère travaille à l’hôpital et je voyage beaucoup. J’étudie beaucoup aussi et m’attire quelques petits ennuis comme tout bon adolescent qui se respecte. Hyperactif de tous le corps et surtout de la langue, j’arrive quand même à me faire des amis et à me sentir chez moi au Canada bien que je me fascine jeune pour les autres pays et les autres languages. Mais rien de bien extraordinaire à part ça. 

Quand vient l’âge d’entrer à la fac, je me décide à lever le pied sur les voyages pour me concentrer sur mes études dans l’optique de devenir professeur comme mon idole de jeunesse. Donner des cours le jours et vivre de grandes aventures pendant les vacances scolaires, le rêve. Là aussi je suis bon élève, accumulant les options tant ma curiosité est grande et dure à dompter. Les langues me fascine toujours, tout comme les cultures des autres pays. Une fois dans cette lancée, ma vie devient plus ordinaire à l’exception que, contrairement à mes pairs, je ne suis pas trop branché fête, préférant les livres ou les voyages, même de courtes durées. Un weekend par ci, un weekend par là, quelques jours ici ou là… J’en profite à fond. 

Puis c'est là qu'est apparue Jane... Jane, c'était ma Marion : belle, drole, courageuse, parfaite. Je suis tombé raide dingue d'elle mais, malheureusement pour moi, elle était (sans grande surprise) avec un sportif d'une autre fac, beau à vous faire douter de votre sexualité tant qu'il garde la bouche fermée. La triste réalité était qu'il avait le QI d'une huitre trop cuite (oui oui, à ce point) ce qui était très frustrant car Jane, elle, était cultivée et intelligente... Mais on ne choisit pas n'est-ce pas ? Alors je me suis contenté d'être son ami, son confidant. Difficile mais je compensais avec quelques aventures ici et là, jamais prête à me poser, incapable de ne pas comparer... 

Bref, Jane étant dans ma promo, nous avons fait nos études ensemble puis, diplôme en poche, elle a disparu sans donner de nouvelles. Faire mon deuil a été difficile, je l'ai cherché en vain, comme beaucoup de nos amis communs incluant "Hercules". Même ses parents avaient déménagés, un vrai mystère mais elle n'était dans aucun hôpitaux et la police ne prêta pas trop d'attention à son cas. Savaient-ils ? Maintenant je pense que oui mais je n'ai jamais eu de preuves concrètes. 

Quoi qu'il en soit, je suis devenu professeur d'université après quelques années d'études de plus. Spécialisé en Littérature, je donnais aussi divers cours de langues à côté, continuant à apprendre et à voyager.

Si j'avais oublié Jane entre temps ? Dur à dire, surtout avec cette incertitude et ce goût d'inachevé. Je la voyais a chaque recoins de rue, pensais la voir en fond à la télévision, la cherchais plus ou moins consciemment dans mes conquêtes. Jamais rien de sérieux, j'étais néanmoins toujours honnête et n'ai (en théorie) brisé aucun cœur en cours de route. 

Plusieurs années se sont passées et, entre temps, ma sœur m'a offert d'autres mésaventures dont je me serais bien passés mais qui nous ont rapprochés. Nous étions de retour dans la maison familiale, j'étais devenu tonton et gérant d'un Bed & Breakfast, jonglant entre mes deux carrières, mes cours particuliers et mes voyages. Ce n'était pas parfait, ce n'était pas la vie d'Indiana Jones mais j'étais heureux. 

Puis un jour ELLE était là, souriante sur un des bancs de ma classe. Toujours aussi belle, lumineuse. Elle m'a attendu à la fin du cours et m'a expliqué que sa famille avait été mise dans un système de production de témoin et qu'ils avaient dû partir le temps que les choses se calment. Je n'avais pas osé demander plus, trop heureux de la revoir en vie et en parfaite santé. Nous sommes rapidement redevenus proches, de cafés en restaurants en balades... Jusqu'au jour où elle m'a demandé mon aide pour traduire divers documents et audios plus que suspects. J'ai bien sûr accepté sans trop poser de question mais en tentant de la dissuader de fouiller là dedans seule : traffics divers, meutres, les documents étaient pire les uns que les autres. Du peu que j'en savais, c'était à cause de ce groupe que son père avait dû opter pour la protection de témoins mais son témoignage n'avait pas suffit et ils etaient dehors. Jane, aujourd'hui dans la police (ou plutôt un quelconque service secret si vous voulez mon avi), voulait mettre fin à tout ça une bonne fois pour toute... Compréhensible mais dangereux et, notre relation ayant évoluée comme j'en avais toujours rêvé, je ne voulais pas qu'elle prenne de risques. Hors personne n'arrêtait Jane. Jamais. 

Et ce qui devait arrivé arriva. Quelques mois après nos retrouvailles, elle disparu de nouveau. En vue de ce que je savais, je ne pouvais pas prendre le risque d'avertir la police... Enfin c'était surtout en vue de tout ce que je ne savais pas plutôt, je ne voulais pas la mettre en danger davantage, j'en savais trop et pas assez à la fois. Tout ce qui était sûr c'est qu'elle n'était plus là, ligne coupée, appartement vide, plus rien. 

Puis, il y a quatre ans, elle a frappé à ma porte en pleurs, un bébé dans les bras. Mon fils, elle n'avait pas eu le choix, elle était désolée, c'était trop dangereux... Je n'ai pas eu le temps d'en demander davantage qu'elle se jetait dans mes bras passionellement. J'aurais dû la repousser, demander, l'aider... Mais j'étais tellement heureux de la voir et sous le choc d'apprendre que j'étais père d'un bébé d'à peine quelques mois. Sans compter que je pensais que nous avions le temps pour plus d'explications. Jusqu'à être réveillé par des pleurs d'enfant dans un lit vide. Une chance que j'ai eu de la pratique avec ma nièce et que ma sœur ait été là même si, après quelques semaines, j'ai décidé de prendre un petit appartement pas loin pour ne pas deranger les clients et pour vivre ma paternité plus tranquillement. Pas facilement cela dit mais je m'en sortais bien avec de l'aide. 

Quand ma sœur a décidé de revenir vivre dans le Bed & Breakfast l'année dernière, je l'ai suivi. Non seulement car elle avait besoin de moi mais aussi car Liam était plus grand. 5 ans déjà, le temps passe vite. Plus de nouvelles de Jane et toujours cette vie a jongler avec mon travail, le B&B et maintenant un petit bout plein d'énergie. 

Loin d'être la vie d'Indiana Jones mais on fait avec et ça pourrait être pire.